Le gouvernement souhaite reculer l’âge de départ à la retraite, avec un âge pivot fixé à 64 ans à partir de 2027, afin d’équilibrer financièrement le système. L’un de ses principaux arguments est qu’on vit plus longtemps, donc on doit travailler un peu plus longtemps. Or l’augmentation de l’espérance de vie n’est pas synonyme de bonne santé. L’indicateur à prendre en compte serait plutôt l’espérance de vie en bonne santé.
On vit plus longtemps, donc on doit travailler un peu plus longtemps, disait en mars le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin. C’est l’un des arguments phares pour défendre la réforme des retraites, qui fixe un âge pivot à 64 ans à partir de 2027 (62 ans pour l’âge légal). En effet, en France, l’espérance de vie à la naissance est passée, selon les données de la Banque mondiale, de 69,86 ans en 1960 à 82,52 ans en 2017. Mais ces chiffres sont des moyennes, influencées autant par l’âge du décès des nourrissons que celui des personnes très âgées. Ainsi, l’espérance de vie n’est pas forcément synonyme de bonne santé, soulignent des médecins.
L’espérance de vie en bonne santé en dessous de l’âge pivot
Françoise Sivignon, médecin radiologue, ancienne présidente de Médecins du monde et membre du collectif Génération.s, et Alfred Spira, professeur honoraire de santé publique à la faculté de médecine de Paris et membre de l’Académie nationale de médecin, estime qu’il faut plutôt prendre en compte l’espérance de vie en bonne santé pour le calcul de l’âge pivot. Cet indicateur mesure le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans la vie quotidienne. Or « L’espérance de vie en bonne santé est en France au-dessous de la moyenne européenne. Elle est stable depuis quinze ans, aujourd’hui en moyenne de 64,5 ans pour les femmes et de 63,4 ans pour les hommes, c’est-à-dire juste l’âge pivot aujourd’hui en débat », fixé à 64 ans, soulignent les médecins au quotidien Le Monde.
Des inégalités entre professions ou différences de revenus
D’ailleurs, tandis que l’espérance de vie en France a augmenté de 3,4 ans chez les femmes, et 5,5 ans chez les hommes depuis 1995, l’espérance de vie en bonne santé des femmes a seulement augmenté de 2,1 ans et celle des hommes de 3,4 ans. Les enquêtes relèvent également des inégalités entre les professions ou entre les différences de revenus. « Les hommes cadres vivent en moyenne six ans de plus que les hommes ouvriers, ceux ayant les revenus les plus élevés pouvant espérer vivre en moyenne treize ans de plus que ceux qui ont les revenus les plus faibles », illustrent encore Françoise Sivignon et Alfred Spira.
« Travailler plus longtemps entraîne une hausse des arrêts-maladie »
Selon les médecins Françoise Sivignon et Alfred Spira, un départ tardif à la retraite relève même de « l’incohérence » alors que les arrêts de travail se sont multipliés ces dernières années chez les seniors toujours en activité. « Travailler plus longtemps entraîne une hausse des arrêts-maladie, liée en grande partie à l’âge et au travail, incompatible pour certains avec leur état de santé », avertissent-ils. D’après la Caisse nationale d’assurance-maladie, le montant des arrêts-maladie a augmenté de 13,4% du fait de la présence plus importante sur le marché du travail des plus de 60 ans.
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