Selon le Canard Enchainé, un militant associatif français dans le viseur de l’industrie du tabac

Un article, daté du 20 septembre dernier et publié dans le Canard Enchaîné sous la plume de la journaliste Fanny Ruz-Guindos, indique que des menaces judiciaires auraient été formulées par l’avocat de Philip Morris France (PMF) contre le Président de l’Alliance contre le Tabac (ACT), Loïc Josseran. Le quotidien satirique français évoque les risques d’une « procédure-bâillon ».

Un militant respecté qui conteste un rapport externe

 Que reproche l’un des représentants de l’industrie du tabac à Loïc Josseran ? Un tweet, daté du 30 juin dernier, dans lequel il affirme que le rapport annuel réalisé par KPMG pour le compte d’un cigarettier sur le commerce illicite de tabac est « un outil de lobby qui instrumentalise le commerce illicite pour contester les politiques de santé publique ».

Pourquoi ce rapport est-il si contesté ? Selon KPMG et PMF, entre 2019 et 2020, le commerce de cigarettes de contrefaçon aurait augmenté de 600 % en France. Avec des pointes à 4 000 % à Clermont-Ferrand et 18 900 % à Aurillac. Des chiffres qui tranchent avec un panel d’autres études quantitatives. En 2016, la Seita chiffrait ainsi la contrefaçon à 0,2 % du volume global de cigarettes en circulation, 99,8 % du commerce parallèle de tabac étant composé de véritables cigarettes sortant des usines des cigarettiers. En 2022, en Belgique, les cigarettiers membres de l’association Cimabel estimaient la contrefaçon à 1,9 % du marché, tandis qu’en Irlande, aucune trace de contrefaçon n’a été identifiée dans les études conduites par le gouvernement. Les chiffres français apparaissent, à ce titre, démesurés.

Pour de nombreux experts du tabac, la raison est simple : les industriels du tabac auraient tout à intérêt à gonfler les chiffres de la contrebande pour, à terme, faire baisser les taxes sur le prix du paquet. En septembre 2021, Jeanne Pollès, présidente de Philip Morris France, dénonçait ainsi « une fiscalité qui mène des prix élevés (créant) des dommages collatéraux tels que des marchés parallèles ».

Des doutes sur l’origine du commerce illicite  

Une situation complexe car, dans le même temps, les cigarettiers sont accusés de nourrir le commerce illicite. En 2015, le député Frédéric Barbier, alors membre du Parti socialiste, démontrait ce qu’il considérait être la tendance systémique des cigarettiers à suralimenter les pays limitrophes de la France, comme Andorre ou le Luxembourg, où les taxes sur le tabac sont moindres, pour permettre aux habitants de l’Hexagone de se fournir à moindre prix. Dans le cas d’Andorre, par exemple, le pays reçoit 850 tonnes de tabac par an, quand 120 tonnes suffiraient pour alimenter la consommation domestique. François-Michel Lambert, ancien député également, avait quant à lui relayé en 2020 les allégations d’un ancien partenaire commercial de Philip Morris International, Raoul Setruk, qui accusait le cigarettier d’organiser un trafic de tabac entre l’Union européenne et l’Algérie. Le Canard Enchaîné, lui, évoquait, dans son édition du 22 novembre 2022, un conflit d’intérêts autour de l’attribution d’un marché public dédié à la lutte contre le commerce illicite de tabac.

En France, les nuages s’accumulent pour les cigarettiers

Mais, ces dernières années, l’industrie du tabac a plutôt fait le dos rond face à ces accusations. Cette possible offensive judiciaire contre un militant s’inscrit aujourd’hui dans un contexte plus que délicat pour le marché du tabac hexagonal. D’une part, les ventes de cigarettes, en France, ne cessent de chuter tant en volume qu’en valeur, notamment à cause des hausses successives de prix. Les achats dans les pays limitrophes permettent ainsi de maintenir, dans une certaine mesure, des hauts niveaux de consommation dans le pays.

D’autre part, le marché du tabac à chauffer, perçu comme l’eldorado des fabricants de tabac, déçoit beaucoup et n’est pas à la hauteur des attentes commerciales. Ce marché voit aussi s’accumuler les contraintes réglementaires. Les produits du tabac à chauffer sont progressivement assimilés aux cigarettes et doivent désormais être réglementés comme tels : messages sanitaires, interdiction des arômes et exigences d’une fiscalité identique. En bref, sur le fil du rasoir et sous pression, les cigarettiers s’agitent. Quitte à subir un effet Streisand qui pourrait durablement affaiblir la réputation déjà bien entamée de la filière ?

 

 

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