LVMH dans les Paradise Papers : l’ère de la confusion

Bernard Arnault LVMH

Sur les millions de documents que recèlent les Paradise Papers, la presse s’est tout particulièrement focalisée sur la question des signes extérieurs de richesse. Le reportage d’Elise Lucet dans Cash Investigation était à ce titre représentatif : il s’agissait plus de critiquer la richesse en soi (les hôtels de luxe, les jets privés, le champagne à bord, la fortune de Dassault…) que d’éventuels comportements illicites. Au point de créer une confusion profonde entre la création de richesse (licite et à encourager, en dépit des postures moralisantes désuètes de certains) et la fraude. Et au risque de fragiliser des fleurons français qui emploient sur notre territoire des centaines de milliers de personne.

Bernard Arnault et LVMH : mauvaises cibles

Parfait exemple de cet enjeu, l’obsession des journalistes sur Bernard Arnault et le groupe LVMH. Doublement coupables parce que très riche et à la tête d’un groupe de luxe, Bernard Arnault a eu les honneurs de plusieurs Une ces derniers jours. Des papiers généralement illustrés d’image de Yacht ou de Villa, ce qui indique le recours à l’émotion et à l’imagination plutôt qu’aux analyses dont Le Monde et autres sont normalement coutumiers.

Pourtant, Bernard Arnault est un résident fiscal français (il est donc assujetti à tous les impôts français sur le revenu et sur le patrimoine), à la tête d’une entreprise française, basée en France. De quoi satisfaire tous les « nationalistes » de l’impôt, qui remettent à l’honneur depuis quelques jours la « préférence nationale » en matière fiscale.

Business international, fiscalités locales : le hiatus

LVMH vend ses produits dans le monde entier (comme Apple) et aurait pu (comme Apple) échapper entièrement aux impôts sur les sociétés en choisissant de délocaliser ses profits. Cela aurait été légal, et justifiable : dans la mesure où les ventes sont elles-mêmes mondiales, pourquoi rapatrier en France les revenus de ses boutiques américaines ou asiatiques, plutôt que de les laisser profiter des fiscalités locales plus avantageuses ?

Heureusement pour les comptes publics, LVMH paie dons ses impôts en France, à hauteur de 1 milliard d’euros par an, sans compter la TVA collectée. De plus, les différentes marques du groupe emploient des milliers de personnes en France, et génèrent probablement de nombreux emplois indirects parmi les prestataires et sous-traitants des différents ateliers de confection et de maroquinerie.

Le groupe fabrique pour l’essentiel en France, des produits majoritairement destinés à l’export : le contraire de biens des entreprises !

Surtout, le secteur du luxe est un énorme contributeur à la balance commerciale du pays, et l’on peut supposer que les marques de Bernard Arnault contribuent à faire dépenser des devises aux nombreux touristes qui visitent Paris chaque année.

Pour autant, bien entendu, rien de tout cela ne constituerait une licence pour frauder. Or, de l’avis de l’ensemble des journalistes spécialisés, rien de ce qui est évoqué dans les Paradise Papers n’est illégal, comme le reconnaissent les journalistes chargés du dossier pour Le Monde  : « La plupart des révélations des « Paradise Papers » concernent des montages qui sont a priori légaux (optimisation fiscale). » On passe donc du « légal » au « moral » (comme le titrent France TV ou -plus attendu dans ce registre moralisant-, La Croix.)

La dispersion mondiale des activités d’une multinationale implique des assujetissements à des fiscalités différentes, parce que les pays où elle vend ses produits votent (souverainement) des fiscalités différentes. Nul ne doit échapper à l’impôt qu’il doit, mais nul ne doit non plus payer des impôts auquel il n’est pas assujetti. Les français qui se ruent sur les investissements en Scellier, Girardin et autres Assurances Vies tentent tous d’optimiser leur fiscalité, dans le cadre des options offertes légalement. A une plus grande échelle (et pour des montants parfois vertigineux, c’est certain), c’est ce que pratiquent les sociétés et les grandes fortunes.

En ciblant systématiquement les grandes entreprises françaises (Dassault, LVMH…) et leurs dirigeants qui ont pourtant fait le choix de rester en France, la presse mène un combat dangereux. Pour des raisons idéologiques, chacun a le droit de regretter l’existence de grandes fortunes dans l’absolu. Pour des raisons religieuses, chacun peut condamner le luxe en soi. Mais le pragmatisme impose de préférer que richesses et luxe soient résidents français, et fiscalisés en France. Car en attendant, les GAFAM continuent, eux, à ne pas payer d’impôt du tout, sans créer d’emploi en France, et tout en détériorant notre balance commerciale. Un combat moins facile à illustrer avec une photo de Ferrari (ou de yacht), moins vendeur sûrement, mais plus juste et efficace.

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