Paradise Papers et déductibilité de la TVA : attention aux raccourcis !

Depuis le début des révélations des Panama Papers, la question de la TVA semble avoir attiré l’attention de nombreux journalistes. L’équipe d’Elise Lucet, dans le dernier Cash Investigation, y a consacré tout le début du magazine. Alors que la question de la fraude à la TVA a défrayé la chronique il y a quelques mois sur le marché du Co², retour sur un mécanisme complexe.

Lorsqu’une entreprise vend un produit, elle ajoute un montant égal à 20% au prix qu’elle souhaite obtenir. Ces 20 % (la TVA collectée) sont reversés à l’Etat, et le restant est appelé le prix hors taxe (ou HT). Le prix global est lui appelé « prix toutes taxes comprises », ou TTC.

Mais lorsque des entreprises se vendent des produits entre elles, la TVA versée est « remboursée » par l’Etat : on parle de TVA déductible, pour tout achat effectué par une entreprise dans le cadre de son activité. Cela concerne donc une usine qui achète sa matière première, mais aussi jusque aux fournitures de bureaux d’un avocat.

Ce n’est pas la loi qui décide ce qui est déductible ou pas, mais le fisc, à travers une jurisprudence étoffée. Parmi les cas célèbres, les frais de costumes de luxe achetés pour une activité professionnelle qui impose une tenue de ce genre ont toujours été rejetés par le fisc ; en revanche, un bleu de travail sera considéré comme professionnel et la TVA sera déductible.

La question se corse lorsque les biens sont mixtes. Un enseignant et un kiné (profession libérale, qui déduit sa TVA) regardent tous les deux les derniers épisodes de leur série préférée sur leur ordinateur, et utilisent ce même ordinateur pour leur activité professionnelle. Pourtant, seul le kiné récupèrera 20% du prix de son MacBook Pro. C’est le régime fiscal en vigueur.

Dans l’émission de France 2, Elise Lucet prenait ainsi l’exemple du Jet privé de Lewis Hamilton, le champion du monde de Formule 1. Photos à l’appui, la journaliste montrait que Lewis Hamilton prenait du bon temps dans son jet, et en semblait pas y mener beaucoup de réunions de travail. Sous-entendu : déduire la TVA dans cas serait frauduleux. Une vision que ne partagerait probablement pas le fisc français, pourtant assez restrictif en la matière. S’agissant d’une personnalité dont le métier consiste en de nombreux déplacements sur les circuits automobiles du monde entier, un jet privé serait assurément reconnu comme un outil de travail. Pour un coureur automobile, voyager dans d’excellentes conditions pour être dans une forme optimale lors des courses est bien un enjeu professionnel. Un abondante jurisprudence fiscale valide ce point de vue.

Que l’on prenne ou non du plaisir à déguster un plat de truffe à 500 € lors d’un repas ne change pas le regard du fisc : si le repas est avec un client pour le convaincre d’acheter vos produits, la note de restaurant sera déductible en matière de TVA.

Dans la mesure où les salariés sont exclus des enjeux de déductibilité de la TVA, la majorité des français ignore tout de son fonctionnement. Cela semble également être le cas des journalistes généralistes, et cela génère une confusion qui ne bénéficie pas à la qualité du débat public.

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