Le plafonnement des frais bancaires est-il réalisable ?

Les frais bancaires enfin sous le contrôle des pouvoirs publics ?

Confronté à une vive polémique concernant le report de la présentation du plan pauvreté, le gouvernement tente de donner des gages à l’opinion publique. Dimanche, c’est le ministre de l’Economie qui a évoqué le plafonnement des frais bancaires afin de donner un peu de corps à un plan qui peine à voir le jour. Le plafonnement est réclamé depuis longtemps par les associations, mais il ne devrait concerner que les ménages les plus fragiles, selon Bruno Le Maire.

Demi-finale du mondial de football ou présentation du plan pauvreté ? Le choix binaire tel qu’il a été initialement présenté par la ministre de la Santé a fait beaucoup de mal à un président Macron toujours perçu comme « le président des riches ». Le Gouvernement a essayé, sans succès, d’éteindre la polémique en fin de semaine dernière. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie habitué aux polémiques politiciennes a peut-être trouvé la parade en allant sur le fond et en évoquant le plafonnement des frais bancaires.

Les frais bancaires plafonnés pour les plus fragiles ?

Pour mettre fin aux commentaires relatifs au report de la présentation du plan contre la pauvreté, le ministre a plaidé pour un texte encore à travailler. « Sur le plan pauvreté, je préfère qu’on prenne quelques semaines de plus et qu’il soit meilleur ». Et la principale piste de travail évoquée se nomme les frais bancaires. « Nous allons par exemple ajouter dans ce plan des dispositions sur le plafonnement des frais bancaires. Je pense qu’il est indispensable pour tous les Français modestes que nous parvenions à un vrai plafonnement des frais bancaires pour que personne ne soit en difficulté parce qu’il est obligé de payer des frais bancaires insupportables et trop lourds », a soutenu Bruno Le Maire.

L’idée est plutôt séduisante et est assez forte pour ramener le débat à des questions de fond. Les frais bancaires constituent un vrai problème pour les ménages les plus pauvres. L’association 60 millions de consommateurs expliquait dès octobre dernier que « Les consommateurs en difficulté financière persistante se voient prélever près de 300 euros de frais par an contre 34 euros – pour les clients lambda en moyenne ». Les plus pauvres payent le plus de frais bancaires en raison de leurs difficultés financières. Un système duquel il est impossible de sortir à moins que l’Etat ne légifère. L’idée est lancée. Le ministre dit vouloir rencontrer les différents acteurs liés à ce problème, mais il est peu probable que les banques se montrent très coopératives.

En effet, selon 60 millions de consommateurs, les frais bancaires uniquement issus des incidents de fonctionnement représentent 30 % à 35 % du chiffre d’affaires des banques. Toutes les banques ne sont toutefois pas logées à la même enseigne puisque les banques en ligne sont environ 6 fois moins gourmandes que leurs consœurs dites traditionnelles. Reste que les frais bancaires ont explosé ces dernières années et que les associations réclament un plafonnement pour tous les clients et pas uniquement ceux qui se trouvent dans une situation financière très compliquée.

Une spirale infernale

Le gouvernement et les associations ne démarrent pas le processus de réflexion avec la même idée en tête et Bruno Le Maire a d’ores et déjà demandé un peu de patience afin de savoir ce qu’il est possible de faire ou non. Il y a «besoin d’encore un peu de temps pour discuter avec les associations, pour discuter avec le secteur financier, pour discuter avec les banques, d’un vrai plafonnement efficace des frais bancaires pour les foyers modestes ». La porte d’un plafonnement des frais bancaires pour tous n’est pas fermée, mais les banques vont certainement se mobiliser afin d’enrayer un mouvement défavorable à leurs intérêts.

Ce n’est pas la première fois que l’Etat tente de limiter les frais bancaires pour les plus fragiles. Ainsi, une offre bancaire spécifique a été mise en place il y a quatre ans. Les frais bancaires y sont limités à 20 euros par mois. L’initiative est intéressante, mais reste confidentielle puisque seuls 10 % des personnes susceptibles d’y souscrire l’ont fait. Le problème est d’autant plus inquiétant que la Banque de France estime que le nombre d’individus en « fragilité financière » a augmenté de 50 % en un an, soit 3,5 millions de personnes au total.

La question du plafonnement des frais bancaires constitue à elle seule un problème épineux où intérêts économiques, financiers et sociaux se mêlent et s’opposent. Le gouvernement a lancé un débat intéressant qui sera toutefois bien difficile à maîtriser. Le risque, in fine, est d’accoucher d’une loi qui ne satisfera pas ceux qu’elle est censée aider le plus. Le gouvernement sait qu’il est entré dans une zone de turbulences. Seule certitude, le plan qui sera présenté au Parlement à l’automne rentrera en vigueur dès le 1er janvier 2019. Un délai plutôt court si d’aventure un big bang venait à secouer les frais bancaires.

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