Retrait de l’âge pivot : donner une friandise d’une main pour faire avaler la pilule de l’autre

 

Le premier ministre Edouard Philipe a annoncé samedi qu’il était prêt à retirer temporairement de la réforme des retraites, l’âge pivot, ce chiffon rouge pour la CFDT. Il réussit ainsi à faire passer l’idée d’un « compromis » tout en sauvant l’essentiel de la réforme des retraites. C’est-à-dire le maintien de l’autre âge pivot, qui poussera les jeunes générations à travailler jusqu’à 65 ou 66 ans.

Les syndicats et patronats ont jusqu’à fin avril pour proposer quelque chose

« Je suis disposé à retirer du projet de loi la mesure de court terme que j’avais proposée, consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027», écrit le Premier ministre dans un courrier envoyé aux partenaires sociaux au lendemain de nouvelles concertations à Matignon sur le « financement » des retraites et en pleine journée de mobilisation à l’appel des syndicats. Pour autant, le chef de gouvernement ne met pas au placard son dispositif. Il met simplement son mécanisme de côté en attendant que les organisations syndicales et patronales lui proposent autre chose.

Au lieu de septembre, les syndicats et patronats devront finalement rendre leurs travaux d’ici « fin avril » afin que le gouvernement puisse, si on lui fait une proposition, « en tenir compte lors de la seconde lecture » du texte au Parlement. Et à ce sujet, Edouard Philippe a d’ores et déjà prévenu. Il n’acceptera pas d’accord qui entraînerait une « baisse des pensions » ou une « hausse du coût du travail ». Le chef du gouvernement laisse donc la porte ouverte à une augmentation des cotisations vieillesse… à condition que le patronat bénéficie d’autres baisses d’impôts.

Il reste dans le projet de loi, un autre âge pivot

« Dans l’hypothèse où un accord ne pourrait intervenir, souligne le Premier ministre, le gouvernement […] prendra par ordonnances les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici 2027 et financer les nouvelles mesures de progrès social.». Et Philippe laisse entendre qu’il ressortirait son mecanisme du placard : «Je veux être parfaitement clair sur ce point : je prendrai mes responsabilités.».

Si l’âge pivot de 64 ans disparaîtra, il reste dans le projet de loi, un autre âge pivot : celui qui permettra, dans le système universel, de maintenir automatiquement l’équilibre. Le Premier ministre avertit dans sa lettre que le principe de cet autre dispositif n’est pas négociable.

« Il fallait trouver une porte de sortie pour le blocage »

Par ce compromis, le gouvernement d’Edouard Philippe réussit à lézarder le mur de la contestation. Il fait en effet un pas vers la CFDT qui réclamait depuis une semaine une conférence de financement des retraites. Philippe peut d’ailleurs s’appuyer sur les communiqués de la CFDT et de l’Unsa pour isoler les opposants à la réforme (CGT, Force ouvrière…), engagés dans cette longue grève, dans une posture « jusqu’au-boutiste » et de simple défense des régimes spéciaux. Le front syndical définitivement brisé, le Premier ministre peut espérer, ensuite, des sondages moins défavorables à sa réforme et beaucoup plus défavorables au mouvement social.

Il met également la pression sur les partenaires en menaçant, si aucune mesure n’est trouvée d’ici le printemps, de rétablir « les mesures nécessaires pour atteindre l’équilibre d’ici 2027 » par ordonnance. « Je veux être parfaitement clair sur ce point : je prendrai mes responsabilités », écrit le Premier ministre, martial.

Frédéric Sève, secrétaire général de la centrale en charge des retraites à la CFDT, explique qu’« Il fallait trouver une porte de sortie pour le blocage. On ne parlait plus que de ça et pas des vrais sujets : la pénibilité, la retraite progressive, le minimum des pensions… Ça redonne de l’espace pour les vrais sujets ».

On tacle Philippe à gauche comme à droite

Du côté de l’opposition, Edouard Philippe passe pour un maître chanteur. « J’avais donc raison. L’âge pivot n’existait que pour pouvoir être retiré et faire passer la pilule d’une réforme qui précarisera des millions de retraités. Cette manipulation était cousue de fil blanc ! », commente Marine Le Pen sur Twitter. Le patron du PS, Olivier Faure, lui s’étonne que « l’on nous demande de voter une réforme définitive en échange d’un retrait provisoire de l’âge pivot ». Quant au secrétaire général des Républicains, Aurélien Pradié, il estime que « le courage réformateur d’Emmanuel Macron est un courage de baudruche » et qu’« avec l’abandon de l’équilibre budgétaire, les Français auront eu les grèves sans la réforme ».

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