Pédophilie et littérature : l’art avant la morale ?

 

Dans le milieu littérature, comme dans celui de l’édition et des médias, tout le monde connaissait le goût de Gabriel Matzneff pour « les moins de seize ans », depuis les années 1960. Pourtant, l’auteur n’a jamais connu de rejet. Bien au contraire, ses livres ont été publiés et étaient reçus dans des émissions phares. Des intellectuels ont même soutenu l’une de ses initiatives incongrues.

Les années 70 et 80, une autre époque….

En effet, de grandes figures de la littérature telles que Louis Aragon, Roland Barthes et Simone de Beauvoir ont signé des pétitions écrites par cet homme, en défense des relations sexuelles avec des moins de 16 ans. La romancière québécoise Denise Bombardier, qui a fustigé dès 1990 l’attirance sexuelle de Gabriel Matzneff pour les jeunes adolescents, a même été méprisée par l’élite parisienne pendant plusieurs années. Est-ce à dire que le monde des arts et des lettres cautionne la pédophilie ou à l’hébéphilie ? Pas vraiment…

Si les plus jeunes sont stupéfaits et indignés que la pédophile passât pour une pratique banale et une opinion personnelle, il y a près de 50 ans, les plus anciens regardent leurs souliers en essayant de faire comprendre que c’était une autre époque. Ils arguent que les années après mai 1968 étaient plus permissives et libertaires qu’aujourd’hui. Que ce temps-là on se croyait tout permis au nom de la liberté. C’est ce qu’a tenté d’expliquer le journaliste et écrivain Bernard Pivot, qui a accueilli Gabriel Matzneff dans son émission « Apostrophe », alors que Bombardier s’indignait de la pédophilie assumée du prix Renaudot 2013. « Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd’hui la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès.», a justifié Bernard Pivot. Mais il n’a pas convaincu, beaucoup l’accusant de se défausser en invoquant « une autre époque ».

La littérature ou choquer pour plaire ?

Du côté des écrivains, des spécialistes littéraires pensent que leur « caution » à la perversité de Gabriel Matzneff provient d’une certaine conception de l’art. Dans le milieu littéraire, en effet, on aime le singulier et le « hors-norme ». De ce fait, l’on se montre plus tolérant à l’égard de la pédophilie que d’autres univers. La littérature est « un monde régi par des exigences de singularité, d’originalité, et un goût pour le hors-norme », indique Pierre Verdrager, sociologue auteur de L’enfant interdit, au site 20 Minutes. Il ajoute que pour un écrivain, l’objectif est de se différencier de la « masse » et « être dans la pédophilie c’est être dans le top du top de la singularité ».

Lucie Nizard, doctorante qui travaille sur les violences sexuelles dans la littérature du XIXè siècle, estime, elle, que l’écrivain se considérer comme un alchimiste. Celui-là même qui se propose de créer du « beau » à partir du « laid » et même de choquer pour plaire. « Cette posture se met en place à partir du romantisme. Le génie c’est celui qui se roule dans la débauche, qui doit faire toutes les expériences possibles », explique-t-elle. « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », disait Baudelaire.

« L’aura littéraire n’est pas une garantie d’impunité »

Certains de ces auteurs restent dans leur monde de fantasmes (la littérature est un exutoire), mais d’autres franchissent la frontière pour assouvir leur désir dans le réel. C’est le cas de Gabriel Matzneff, qui aimait à se comparer à Montherlant ou à Byron. Maintenant, il doit répondre de ses actes devant la justice car les temps ont changé avec le mouvement #MeToo. « L’aura littéraire n’est pas une garantie d’impunité. J’apporte mon entier soutien à toutes les victimes qui ont le courage de briser le silence», a déclaré pour sa part, sur Twitter,  le ministre de la culture Franck Riester. Il annonçait qu’il allait demander au Centre national du livre de lui fournir « toutes les précisions» sur une allocation versée à certains écrivains âgés dans le besoin.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.