Communication scientifique en situation de crise sanitaire : le Comets alerte sur les dérives et fait des recommandations

Un scientifique dans son laboratoire.
Ph: Unplash

 

Le comité d’éthique (Comets) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a publié cette semaine un avis consacré à la communication en situation de crise sanitaire. Il y dénonce des dérives inquiétantes, alimentant un « populisme scientifique » au détriment des faits. Il émet aussi plusieurs recommandations afin de promouvoir la culture scientifique.

Le comité d’éthique (Comets) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) vient de publier un avis sur la communication scientifique en situation de crise sanitaire. Près de deux ans après le déclenchement de la pandémie, il y dresse un premier bilan des forces et faiblesses de cette communication. Il se félicite d’emblée du partage rapide des connaissances sur le Covid-19 grâce à une mobilisation inédite de la communauté scientifique internationale. Mais il regrette que cette science ouverte ait donné lieu à diverses dérives de la part de chercheurs qui ignorent, ou veulent ignorer, les fondements de la démarche scientifique. Celle-ci se caractérise par la rigueur, l’honnêteté, la fiabilité et la transparence des méthodes, ainsi que l’évaluation critique des publications par les pairs.

Une pique au Pr Didier Raoult

Le Comets pense notamment à l’affaire Surgisphère, qui a débouché sur le retrait de deux études dans les revues scientifiques Lancet et New England Journal of Medicine. Toutes deux mettent en cause l’usage de l’hydroxychloroquine (HCQ) sur la base de données primaires erronées. Cependant, le Comets s’attaque aussi au Pr Didier Raoult qui ferait preuve d’un « populisme scientifique » donnant à la population « l’illusion de pouvoir accéder au savoir sans passer par les instances de validation du fait scientifique ». Il juge l’étude de l’infectiologue sur l’hydroxycholoquine peu rigoureuse, voire dangereuse.

Par son comportement irresponsable, le Pr Didier Raoult aurait poussé à la défiance des citoyens vis-à-vis de la science et des scientifiques. Cette défiance est d’autant plus difficile à lever que les connaissances sur le virus et la pandémie sont en constante évolution. Par ailleurs, l’organe s’attaque aux divers médias (presse, radio, télévision, réseaux sociaux). S’il salue leur contribution en tant que vecteurs déterminants pour éclairer les citoyens, il regrette de nombreuses entorses.

Responsabiliser les chercheurs sur leurs droits et devoirs

De fait, certains médias de grande écoute auraient favorisé une « communication spectacle » volontiers polémique et semé la confusion dans les esprits en opposant vérité scientifique et opinion commune. Ils auraient ainsi participé à la désinformation du public et à la propagation des croyances complotistes. Ces mêmes canaux auraient également servi de tribune à des scientifiques pour y développer des thèses contestables. Toutes ces dérives seraient d’autant fâcheuses qu’elles ont été partagées par certains responsables politiques en quête de notoriété ou de reconnaissance. Cette récupération politique aurait également braqué le citoyen contre l’Etat.

Dans son avis, le comité éthique du CNRS n’émet pas que des critiques. Il fait aussi plusieurs recommandations pour promouvoir la culture scientifique, tout en responsabilisant les différents acteurs de la chaîne de communication. Il a d’abord rappelé les droits et devoirs des chercheurs qui interviennent dans l’espace public. Selon le Comets, les scientifiques doivent préciser à quel titre ils prennent la parole (spécialité, appartenance à une structure, engagement politique, militantisme, etc.). Cela permettrait de mieux saisir leur opinion. Aussi, ces scientifiques doivent, par honnêteté intellectuelle, signaler les marges d’incertitude de leurs résultats de recherche.

De la nécessité de former des journalistes et des politiques

Pour ce qui concerne les médias, le Comets préconise les échanges entre chercheurs et journalistes. Ceux-ci devraient se former auprès de ceux-là afin de mieux traiter des sujets scientifiques. Par ailleurs, il appelle à la vigilance des éditorialistes pour éviter tout formatage de l’information et toute pression de lobbies. En outre, le comité éthique du CNRS souhaiterait que la parole du scientifique, plus éclairée, puisse faire autorité auprès des politiques dans un contexte de crise sanitaire. D’ailleurs, estime-t-il, « il est essentiel que ces derniers soient mieux formés au raisonnement et à la démarche scientifique ».

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