Made In France : vers un grand mouvement de relocalisation en France

Made in France

S’il y a un sujet que la pandémie aura propulsé sur le devant de la scène, c’est celui de la réindustrialisation de la France et de la réimplantation territoriale de grandes entreprises françaises alors que la crise du Covid19 a mis sous le feu des projecteurs la dépendance de la France aux importations étrangères.

Le Made In France, une tendance pas si nouvelle

C’est ainsi que le sujet de la relocalisation, ou démondialisation, s’est doucement invité sur nos plateaux télé, dans nos discours politiques et dans notre presse écrite. Le fameux « Made in France », jusqu’alors ardemment défendu par un Montebourg bien souvent seul et raillé, n’a jamais été aussi en vogue qu’aujourd’hui. Il est même devenu un outil de campagne pour les prétendants au trône présidentiel ; au premier rang desquels Marine Le Pen et Eric Zemmour qui ont profité de leur visite au salon du Made In France (MIF) qui se tenait du 11 au 14 novembre à Paris pour appeler de leurs vœux la réindustrialisation de la France et la réduction de la dépendance à l’étranger dans un esprit résolument colbertiste. Le sujet a de beaux jours devant lui car il a l’avantage de n’attirer aucune opposition : difficile de ne pas soutenir l’artisanat, les emplois français ou le monde rural et paysan. Aussi, n’est-il pas nécessaire d’être candidat aux extrêmes pour aborder et promouvoir le sujet. Le salon MIF était d’ailleurs inauguré par deux ministres venant rappeler le concept d’autonomie stratégique défendu par l’exécutif en France et auprès des institutions européennes.

« Origine France garantie » et « France Terre Textile »

Marquage réglementé par la direction générale des entreprises, le label Made In France permet d’attester de la fabrication française totale ou partielle d’un produit. Le choix de l’y faire figurer dépend des entreprises fabricantes souhaitant ou non mettre en avant le savoir-faire tricolore. Pour utiliser ce marquage (qui coexiste avec d’autres labels privés tels que « Origine France garantie » ou encore « France Terre Textile »), les marques doivent respecter certains critères variants selon la nature du produit concerné. Selon l’INSEE, le Fabriqué français représentait 81% de la consommation des ménages en 2019, masquant cependant une large disparité entre les produits (surreprésentation des produits agricoles et extrême minorité des produits manufacturés). « On commence à observer un regain d’intérêt pour le made in France de la part des consommateurs, qui se traduit par des marques et des filières qui se relancent », explique cependant Vincent Stoklischsky, secrétaire de la Fédération indépendant du Made In France (FIMIF).

LVMH, ou quand les grandes entreprises s’en mêlent

Au-delà d’un simple discours politique ou d’un intérêt chauvin des consommateurs, ce sont désormais les grands groupes français qui rejoignent le mouvement et qui se convainquent du bien-fondé de la vague Made In France. C’est notamment le cas du fleuron du luxe français LVMH qui affiche sa volonté de relocaliser pour partie sa production en France et de recruter sur place. C’est ainsi que le maroquinier du groupe a fait construire en zone rurale près d’Angers, un atelier de 6000 m² à haute performance énergétique, et prêt à accueillir 200 salariés pour y fabriquer les sacs de la prestigieuse marque Louis Vuitton.

« Un écrin de l’excellence qui va inspirer d’autres acteurs », a estimé la ministre du Travail Muriel Pénicaud venue inaugurer les lieux aux côtés du PDG de la marque et de la Présidente de Région. « Je suis persuadé que dans notre industrie, c’est la main humaine qui est motrice, a appuyé Michael Burke, PDG de Louis Vuitton. Le vrai miracle, c’est l’échange entre la production et le créatif. L’essentiel est que les créatifs puissent venir ici et que les prototypistes aillent à Paris en une heure ». C’est pour cette raison que le groupe LVMH souhaite continuer à implanter de nouveaux ateliers en France et ambitionne de recruter près de 1500 personnes dans l’Hexagone d’ici fin 2022. Un véritable défi en termes de ressources humaines et de capacité de production pour satisfaire une demande mondiale en perpétuelle croissance.

Mais aussi des marques plus confidentielles

Ce ne sont pas seulement les grands groupes qui flirtent avec le concept, mais un véritable florilège de petites marques, encore confidentielles pour certaines, qui n’hésitent pas à s’allier pour s’imposer dans le paysage. En témoigne la création de L’Appartement Français, boutique qui recense une cinquantaine de marques du Made In France à chaque saison et qui croule sous les demandes d’inscriptions. « Lorsque nous nous sommes lancés en 2017, il devait y avoir une dizaine de boutiques dans toute la France qui se positionnait sur ce créneau. Depuis nous avons vu l’offre s’étoffer considérablement et l’intérêt des clients grandir », explique Emilie Auvray, cofondatrice de l’Appartement Français. Tout un réseau qui n’hésite pas d’ailleurs à se regrouper pour unir ses forces au sein de collectifs tels qu’Altitude 750 à Morteau pour monter des actions communes, communiquer ensemble et se retrouver lors d’événements tels que le salon MIF.

Une habitude qui s’installe ?

La tendance Made In France semble prendre ses marques dans le paysage français que ce soit par conviction écologique, pour soutenir l’emploi ou l’économie locale, ou simplement comme gage de qualité. Après plus de trente années de délocalisations ayant conduit à une désindustrialisation massive du paysage économique français (perte de 30% de ses emplois industriels), le phénomène de relocalisation qui s’amorce et que la pandémie accentue apparait comme une chance sociale et environnementale, voire nationale pour certains. Reste alors à ne pas passer à côté de cette opportunité en orchestrant une réindustrialisation mal gérée qui pourrait se révéler contre-productive. Nos politiques d’aujourd’hui n’ayant pas connu la France industrielle d’alors, il leur faudra beaucoup d’anticipation et de réflexion pour mener une politique industrielle qui soit cohérente et efficace.

A propos de Doriane de Lestrange 1 Article
Doriane de Lestrange est une ancienne avocate devenue journaliste, spécialiste des questions juridiques et économiques.

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