Agatha Christie à son tour victime de la bien-pensante

Des livres d'Agatha Christie sur l'étagère d'une bibliothèque.
Photo de Giovana Miketen sur Unsplash

Après avoir remanié les œuvres de Roald Dahl et Ian Fleming, la bien-pensante s’attaque à présent aux romans d’Agatha Christie. Ses ayants droit, dont son arrière-petit-fils James Prichard, ont donné quitus aux « sensitivity readers » d’expurger de ses créations des termes jugés « offensants ». Une censure qui ne dit pas son nom.

D’après le quotidien britannique The Telegraph, les romans d’Agatha Christie ont été soumis à la « sagacité » des « sensitivity readers » pour les expurger de termes jugés « offensants ». Ces experts de la morale ont obtenu ce droit de toucher aux œuvres des ayants droit de l’écrivain, dont son arrière-petit-fils James Prichard. Celui-ci affirme que son arrière-grand-mère voulait avant tout « divertir » et non blesser « quelqu’un par une de ses tournures de phrases ». On suppose qu’elle lui en a fait la confidence outre-tombe…

Dix Petits Nègres déjà retitré 

D’après The Telegraph, les « sensitivity readers » travaillent désormais comme employés de l’éditeur afin de traquer la moindre phrase contrariante dans tous les livres de la romancière britannique. Notamment Hercule Poirot (1920-1975), Miss Marple (1930-1976) et La Souricière (1952). Ainsi, le roman Dix Petits Nègres, retitré Ils étaient dix en 2020, a enregistré plusieurs modifications. C’est aussi le cas de Mort sur le Nil, où a été retiré un passage contenant le mot « dégoûtants » à propos d’enfants égyptiens. Agatha Christie avait mis ce vocable dans la bouche de miss Allerton qui trouvait impertinent que ces garnements lui tournent autour.

Après les réécritures, bientôt des autodafés ?

Dans d’autres romans, les « sensitivity readers » ont supprimé les qualificatifs « oriental » « nubien », « gitan » ou encore « indigène » pour employer un terme comme « local ». A cette allure, il ne pourra plus rester grande chose du patrimoine littéraire de la romancière britannique et même de tous les autres écrivains que l’Humanité ait connu. Car peut-être voudront-t-ils maintenant s’attaquer aussi à des mots comme gros.sses, laid.e.s, pauvre.s, nain.e.s pour ne pas offusquer d’autres personnes. Il restera ensuite à réécrire le dictionnaire, les livres d’histoire, la Bible, etc. On s’exposerait alors à des autodafés…

Des témoignages d’une époque et de ses mentalités

Comme le disait l’écrivain et traducteur René de Ceccatty au sujet du remaniement des œuvres de Roald Dahl, la littérature n’a jamais pour fonction « d’obliger à penser comme l’écrivain ». Mais qu’au contraire elle trouve sa quintessence dans « la diversité, la pluralité de pensées, d’expériences et d’écritures ». En d’autres termes, une œuvre littéraire tire sa succulence de la particularité de la plume de son auteur. Celui-ci est le reflet d’une époque, de ses mentalités, de ses clichés racistes, antisémites, entre autres. Il s’agit donc du tableau d’une époque ou d’un témoignage, à l’image des livres d’histoire.

Réécrire une œuvre, revient donc à la dénaturer et à modifier le passé. Une prétention dont aucun être humain ne doit se prévaloir. Malheureusement, pour des objectifs commerciaux, les maisons d’édition semblent aujourd’hui accorder cette lubie à certaines gens. Elles font ainsi de la création littéraire un produit comme tout autre, qu’il faut remanier régulièrement pour le mettre au goût du jour. Mais un roman ne saurait devenir un banal article à consommer. Si certains trouvent trop indigeste un livre, qu’ils en achètent d’autres à l’univers angélique.

Vers la dictature du wokisme ?

Pour le reste, les maisons d’édition devraient accorder suffisamment d’intelligence aux lecteurs pour comprendre que le langage et les croyances d’un livre correspondent à l’état de la société à une certaine époque. A moins que l’écologie littéraire punitive n’impose désormais ses vues. Nous nous acheminerons alors vers une nouvelle ère : la dictature de l’idéologie progressiste et wokiste. Ce nouveau monde où pulluleraient les petits moralisateurs et censeurs, qui ne connaissent rien à l’art, mais qui se permettent de toucher au patrimoine de génies littéraires.

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